Les migrations sont un phénomène qui intéresse les historiens et dont l’étude est sans cesse renouvelée au prisme de l’évolution de l’historiographie et des nouvelles approches tendant à prendre en compte le migrant lui-même, non seulement en tant qu’individu mais également comme acteur pris entre l’injonction de rester et celle de partir. Par ailleurs, concernant l’époque moderne, leur étude a pu mettre en évidence une société dans laquelle la mobilité était plus importante que ce que l’on a souvent cru. Les causes des migrations étaient diverses mais celles liées à un espoir d’amélioration de la situation économique devaient en représenter l’essentiel. La recherche d’un travail ou l’exercice d’une profession requéraient que l’on se déplaçât. Ce sont ces phénomènes de mobilités liés au monde du travail que cette thèse propose d’appréhender, au croisement des historiographies des migrations et des mobilités, de l’histoire urbaine et de la ville, de l’histoire du travail et également de celle des frontières.

Objectifs

La thèse proposée s’intéressera en premier lieu à Perpignan entre le milieu du 17^e siècle et le milieu du 18^e siècle, c’est-à-dire un siècle au cours duquel il est très probable qu’une partie de l’importante croissance démographique de la ville (environ 155%), soit due au mouvement migratoire. 

Cette période qui s’étend de l’annexion française au milieu du 18^e siècle embrasse à la fois un moment de reprise, une époque de guerres et une période de paix durable. C’est dans ce contexte spatial et chronologique que les questions de cette thèse seront posées. 

En prenant la ville pour observer la mobilité et en retenant le travail comme une des causes possibles de la mobilité, le sujet pose un certain nombre de questions entrecroisées autour du migrant à la recherche d’une place dans la société d’accueil. Quelles étaient les processus d’insertion sociale des migrants ? Quels modes d’habiter et d’investir la ville manifestent les migrants ? Comment s’inséraient-ils dans le monde du travail et quels rôles jouaient-ils sur le marché du travail ?

Le sujet de cette thèse devrait permettre d’obtenir des résultats sur les rythmes migratoires touchant Perpignan et sur le rôle de la conjoncture politique qui les affecte. De plus, ce sujet souhaitera cartographier la présence de migrants dans la ville à plusieurs périodes et tentera d’éclaircir le rôle des migrants dans le développement économique de la ville et de ses faubourgs. 

Au-delà du cas étudié, l’étude montrera l’intégration ou la non intégration des migrants dans les lieux d’accueil, par l’intermédiaire du travail, par l’insertion sociale et les réseaux tissés, et surtout, elle interrogera les processus et les stratégies déployées ou subies par les acteurs de la migration. 

Méthode

Afin de réaliser cette thèse, plusieurs méthodes et concepts seront mobilisés. La première étape consistera à établir un corpus de migrants en pratiquant par sondages, afin d’avoir une vue d’ensemble ainsi que de renseigner une base de données relationnelle déjà mise au point. Dans une perspective d’histoire globale des migrants et de leurs insertions dans les villes d’accueils, l’étude jouera sur les échelles d’analyse, et permettra d’articuler une histoire quantitative, proche des méthodes de la prosopographie ; une histoire par les réseaux dans une échelle intermédiaire ; et une histoire plus qualitative par le suivi des trajectoires individuelles en lien avec une approche micro-analytique.

Par ailleurs, afin de comparer les résultats obtenus, il serait intéressant d’envisager des sondages sur deux villes proches et présentant des caractéristiques démographiques voisines de celles de Perpignan : D’abord Narbonne, qui a vu la frontière s’éloigner vers le sud en 1659, puis Gérone, qui a vu la frontière se rapprocher. 

Pour ce qui est des sources, le sondage des registres paroissiaux des quatre paroisses perpignanaises (Saint-Jean, Saint-Mathieu, Saint-Jacques, Notre Dame de la Réal) permettrait une approche d’abord quantitative et serait le point de départ de notre recherche mais aussi le socle de notre base de données. Puis les actes des notaires de Perpignan surtout mais aussi les fonds des confréries et des communautés de métiers, les fonds des différentes juridictions de justice, ceux de l’administration provinciale ou ceux des institutions caritatives pourraient permettre une approche plus qualitative. Compte tenu de la masse que cela représente, un dépouillement plus ciblé permettra de suivre des trajectoires individuelles ou familiales. 

Cette thèse, sous la direction de Patrice Poujade, au croisement de plusieurs historiographies, entend éclairer la migration sous différents prismes afin d’en comprendre la réalité au plus près des migrants eux-mêmes, particulièrement dans leur rapport avec leur lieu d’accueil.

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